Vers la lumière, Chantal Chawaf
192 p
des Femmes – Antoinette Fouque, 1992
Première page
« Dagan était archéologue.
– Tu aimes l’archéologie ?
L’archéologie ? Le monde âgé, primitif, le monde de l’origine ? Meininguel, un manoir perdu du côté de l’Ouest et des vents où étaient enterrés les deux corps ? Oh oui, j’aimais l’archéologie ! Un monde de remparts écroulés, les décombres de murailles des collines fortifiées, des rocs flanqués de tours en ruine, les palais restés sans rois, sans reines, sans père, sans mère. Les galeries souterraines, les caveaux. Meininguel, en forme de cordon rocailleux et rouge, me reliait à la vie sous terre où les fantômes de mes parents assassinés me cajolaient dans des bras de squelette.
– Veux-tu m’épouser ? «
A propos de Vers la lumière
Une femme, France Meininguel, et sa fille Jasmine sont confinées dans une maison mystérieuse de l’Ile-de-France. La mère a un but : aller vers la lumière du manoir natal.
Reprenant nos mythes immémoriaux, cette habitante des Enfers, France Meininguel, s’efforce de quitter sa condition souterraine pour revenir sur terre.
Tout au long d’un intense et cosmique voyage de reconnaissance au cours duquel, de l’Orient à l’Occident, nous traversons le soleil, la nuit, les montagnes, les vagues de la mer mais également un monde phosphorescent de fantômes et scintillant d’archanges, va se détruire la naissance – celle de la mort et de la nuit, celle du drame et de l’angoisse – pour donner verbalement, textuellement, le jour à l’autre, à une nouvelle femme qui promet et crée l’avenir qu’empêchait la souffrance passée.
Vingt ans après « Retable », cinq ans après « l’Intérieur des heures », ce livre enraciné dans la chair épure la biographie des morts et des survivants; loin de refermer le triptyque, il l’ouvre à l’élaboration d’une parole de l’origine.
Ce qui intéresse Chantal Chawaf dans l’écriture, ce sont ces mouvements aux limites de la conscience qui saillent sous le langage. Quiconque aura le privilège de passer quelques instants dans son intimité livresque sera sensible aux secrètes émotions humaines contenues dans son œuvre et aux pulsations glacées d’un style qui fait penser tour à tour à ce qui traverse et à ce qui est traversé, à la lumière et au cristal.
Claude Darras, Le Provençal, 3 octobre 1993