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Ne
quitte pas les vivants
Editions
Des femmes-Antoinette Fouque, 2015
130 pages - 10 €
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extrait |
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La
température s'acharnait contre le jour. De rares arbrisseaux se
silhouettaient sur le paysage du vide. Transpercée de flèches de
soleil, étourdie de lumière, Éléonore ne voyait plus la route,
elle était dans cette partie du monde où l'invasion du ciel efface
la terre. Elle s'aveuglait. Irrités par les hausses incessantes
de la lumière, ses yeux larmoyaient, se forçaient à soutenir la
vue des cailloux sur la réverbération. Les rafales rebondissaient
sur le sol, en arrachaient des gravillons. Bleu comme l'eau de mer
mais sec comme la pierre, le ciel propulsait le vent par blocs d'air
chaud contre lesquels Éléonore luttait en se protégeant les yeux
avec les mains pour passer à travers le mouvement
tourbillonnant de la poussière. Elle avait du sable et de la terre
dans le nez, dans la bouche, dans les oreilles. Elle n'était plus
qu'une masse, un archaïsme de muscles, de nerfs, d'humeurs en
attente de la délivrance, une survivante du passé fœtal, le
deuil d'une identité mort-née mais elle était aussi les merveilles
surnaturelles de ce rayonnement de l'île émergée de la coulée de
lumière. Le gravier mollissait sous ses pieds, prenait une
consistance de sables mouvants, elle avait peur comme si elle était
en train de s'enliser.
Elle
échafaudait un plan de fuite. La gorge de roche blanche dardait le
sable. Éléonore marchait avec rage, elle était résolue à se
sauver, à quitter Saadi, la Syrie, cette blancheur de sel des
pierres ; elle transpirait, chassait le vent, l 'éblouissement,
elle essayait vainement de sortir du corps violé.  |
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Descriptif |
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"L’oasis de Damas dans les années 60 et la magie charnelle de son
désert constituent le cadre de ce
roman intense reliant Occident et Orient, passé antique et présent
déraciné. Une jeune femme fuit et poursuit à la fois la révélation de
ses origines, de la France de l'après-guerre, à la Syrie d'avant la
guerre imminente des six jours. La levée du secret de sa naissance
l'entraîne vers une Écosse, une Norvège et une Pologne fantomatiques.
Ne quitte pas les vivants est une traversée atmosphérique non sans
valeur documentaire d'un exil hanté par la peur de la guerre, en
résonance avec les fléaux de notre époque.
Entre souffrance, jouissance et vertige, une écriture de l’urgence,
bouillonnante de vie.
« Entraînée à la marche dans le désert et à l’escalade des rochers,
elle gravissait, sans effort, les versants.
Au fil de la montée, elle ne sentait plus le vent, son corps se
déchargeait, les collines au loin dans le soleil pâlissaient, se
muaient en dunes de brouillard, elle plissait les yeux pour mieux
regarder, elle se concentrait sur la lumière et réussissait à discerner
le pigment des radiations. Elle accédait à la pureté
de la perception, à la vision de l’air, voyait l’air vibrer, en
distinguait les moirures presque orange. » C.C.
Chantal Chawaf est écrivaine. Elle vit à Paris. Depuis Retable, La
Rêverie, sa première publication aux éditions des femmes-Antoinette
Fouque
(1974), elle développe une oeuvre originale et incandescente, d’une
rare acuité
sensorielle. Elle est l’auteure de plus d’une vingtaine de romans,
d’essais et d’une
pièce de théâtre.
Depuis sa première fiction, Rétable, la Rêverie (Des femmes, 1974),
Chantal Chawaf développe une oeuvre originale et incandescente, riche
aujourd'hui de plus d'une vingtaine de titres dont notamment, Cercoeur
(Mercure de France, 1975), Le Soleil et la terre (J.J. Pauvert, 1978),
Maternité (Stock, 1979), Crépusculaires (Ramsay, 1981), Le Corps et le
verbe (Presses de la Renaissance, 1992), Le Manteau noir (Flammarion,
1998), L'Ombre (Le Rocher, 2004), Infra-Monde (Des femmes, 2006)...
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http://www.chantal-chawaf.com |
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