Mélusine des détritus, Chantal Chawaf,
publié sous le nom de Marie de la Montluel
223 p
Editions du Rocher, 2004
Première page
« Ils ont aplani le tumulus où était enterré le chef gaulois, pour construire des HLM. La nuit, la zone de lotissement est suréclairée comme une maison d’arrêt sous des miradors.
Les remparts du château féodal ne sont plus par endroits qu’une carrière dont les habitants de Mulac vont extraire des pierres pour consolider leur garage. le cloître roman sert de parking aux membres du conseil municipal. Notre ville à moitié écroulée n’est pas plus vivante que les sarcophages mérovingiens dont les alignements encerclent l’école.
Dans ce bourg en souffrance, on a la conviction, les uns et les autres, d’être des humains finis, condamnés à être remplacés par une humanité améliorée, on se sent arriérés, avec nos nerfs, nos veines, nos artères, nos capillaires de vieilles lignées consanguines. On se dit que l’avenir n’a plus rien à faire avec nous.
En attendant la construction du nouveau tronçon d’autoroute, la Grande Rue fait office d’échangeur. Les camions la prennent pour passer de l’A 17 à l’A 24. Le salon empeste le diesel. […]«
A propos de Mélusine des détritus
« Je l’ai emmenée au fond du jardin. Le terrain était marécageux. La main dans la main, nous nous sommes promenés dans les rides et les plis boueux de brindilles farineuses, d’humus velouté de rouge sang, dans de l’écorce feutrée de lichen, dans des suintements fauves qui s’écoulaient en rigoles, dans les champignons rouges comme les pommes reinettes, nous nous enlisions dans la coloration du clair-obscur, sous l’ombrage roux des bouleaux et des genévriers, nous contournions les souches d’arbres morts, les rochers cireux de brouillard, nous foulions les bruyères. Le visage de Mélusine rosissait au froid comme les lamelles de l’amanite vineuse qui, à l’air, se tachent de rouge sombre. »
Dans une France dévastée par la circulation des camions, l’abandon du patrimoine et la prolifération des centrales nucléaires, la pollution rend asthmatique Mélusine, jeune fille incomprise et un peu fée. Un soir de pluie, Jean, cadre désabusé de la grande distribution sonne à la porte. Entre ces deux solitaires, celle qui refuse tout de son époque et celui qui a trop accepté, une passion va naître.
Mais pour Jean et Mélusine qui recherchent la vérité d’une nature malmenée, est-il encore temps ? Pour la France, pour le monde, est-il encore temps ?