L’ombre

L’Ombre, Chantal Chawaf

100 p

Editions du Rocher, 2004

couverture du livre l Ombre Chantal Chawaf

Première page

« C’était un matin de l’année 1987, la baie de Chesapeake s’éveillait. On entendait l’océan, les sirènes de bateaux, les cloches d’une église, les aboiements des chiens, le vent, l’appel du monde, le passage des mouettes, les oiseaux.
Une adolescente, pelotonnée dans son lit, espérait, elle ne savait quoi, Jennifer Danahy, innocente et éblouie, communiait avec le jour. Hans allait arriver d’un moment à l’autre. Il sortirait de la petite voiture japonaise pour crier:
– Jenny!
Elle descendrait l’escalier quatre à quatre, ses livres et son classeur sous le bras et monterait, essouflée. Le jeune homme la conduirait à l’université où elle et lui suivaient le cours de russe du professeur Wörther.
Vendredi soir, comme tous les week ends, Hans l’inviterait à dîner dans un restaurant de fruits de mer dont le fronton orné de guirlandes de lampes multicolores, se refléterait dans l’écume bondissante du port. Tard dans la nuit, quand le quai serait désert, les jeunes gens s’enlaceraient. Il fallait avoir confiance, vivre chaque instant. « 

A propos de L'Ombre

Vent glacial qui balaie les rues de Baltimore, touffeur et cyclones de la Louisiane, soleil brûlant de la Californie, neiges presque éternelles du Vermont. Ce roman, dont l’action se situe en majeure partie au début des années 1990 et qui relate un voyage intérieur, est aussi, est surtout, un périple quasi initiatique à travers les États-Unis. Jennifer Danahy, étudiante puis employée de banque, orpheline de père, apprend progressivement, au prix d’autant de souffrances que d’interrogations, à faire le deuil de ce dernier. Pour ce faire, elle devra dépasser un mode de relation extrêmement pervers que lui impose son professeur de littérature russe, Johannes Wôrther, un Autrichien féru de Dostoïevski et passionné par la spiritualité orthodoxe.

Au commencement comme à la fin de l’ouvrage, enfin, apparaît le très beau personnage, fugitif, de Hans Memling, à l’origine fiancé de Jennifer et principal, sinon seul, pôle d’équilibre psychique du livre.

Roman d’angoisse autant que roman psychologique, L’Ombre témoigne du talent si particulier de Chantai Chawaf qui, en usant d’une grande économie de moyens, sait rendre avec une extrême fidélité les quêtes intérieures qui nous habitent tous.